Comment le digital a chamboulé l’industrie médiatique du surf ?
Depuis l’apparition des réseaux sociaux, le surf est devenu l’un des sports les plus médiatisés sur la sphère digitale. A une époque où les internautes passent en moyenne près de trois heures par jour sur les réseaux sociaux, focus sur ces outils qui ont changé la face de la culture surf.
La fin du média papier au profit des médias sociaux ?
Avant l’apparition d’internet et des réseaux sociaux, le média papier était à son apogée. Surf Session Magazine, Surfing, SURFER, Trip Surf, Carve Magazine, etc. Tant de magazines ont joué un rôle précieux dans la culture surf. Les plus fidèles lecteurs se sont construits une véritable culture surf à travers la découverte des premiers surf trips de l’époque, des photos iconiques, des interviews de professionnels reconnus… Distribués dans les boîtes aux lettres des plus grands passionnés, les magazines de surf étaient la consécration pour chaque surfeur faisant la couverture des numéros de chaque mois.
Pour Matt Warshaw, journaliste surf américain et auteur de « Encyclopedia Of Surfing », c’est avant tout Internet qui est la cause de la disparition du média papier : « Quand j’étais jeune, Surfer et Surfing (leaders du magazine papier dans le monde du surf) sortaient chaque mois. Ils étaient la seule source d’info surf. Les types de mon âge peuvent citer des légendes qu’ils ont lu il y a 40 ans, parce qu’on feuilletait le même magazine 50 fois, scrutant chaque centimètre de papier, chaque photo, chaque mot. Aujourd’hui, on a le problème inverse. Il faut essayer de filtrer. Le flux est surchargé. »
En France, selon l’étude réalisée en 2022 par l’ACPM et CSA Research, 14 % voudraient lire les dernières actualités sous format papier. 78 % voudraient pouvoir mixer selon le contexte. Et seuls 8 % voudraient lire sous format digital. Pour une lecture plus approfondie, 69 % des interrogés préfèrent utiliser le format papier. Pour la lecture d’articles courts sur de l’actualité chaude, 74 % des interrogés préfèrent le format digital. On voit bien qu’en France, le format papier n’est pas mort, contrairement à ce que certains disent. C’est pourquoi Surf Session Magazine, le magazine de surf n°1 en France, continue toujours d’exister depuis 1986.
Mais avec l’arrivée des réseaux sociaux, le surf s’est démocratisé et de plus en plus de pratiquants ont vu le jour.
La puissance de l’ère digitale pour les surfeurs et les entreprises
En 2023, 80 % des Français ont un compte sur au moins un réseau social. On vous laisse imaginer la puissance de visibilité que peut engranger un simple post. Pour une entreprise, une telle omniprésence ne peut pas être négligée.
Prenons le cas de SURFER Magazine, le magazine numéro 1 dans le monde. L’entreprise a dû fermer ses portes en 2020. La faute au Covid qui n’a pas permis au magazine de se vendre correctement ? Probablement. Mais aussi la faute à une ère où les réseaux sociaux sont les maîtres de la culture de l’instant ?
Aujourd’hui, Stab Magazine, leader mondial de l’actualité surf (1,1 millions de followers sur Instagram et 1,2 millions d’abonnés sur Facebook), se permet de proposer un abonnement premium pour lire certains articles de son site web, à la manière de ce que proposaient les magazines à l’époque. Devenu depuis la crise Covid un média 100% digital, Stab est aujourd’hui l’un des médias avec le plus d’abonnés premium et une référence dans le secteur avec notamment la marque Billabong qui avait même pu offrir des abonnements premium de Stab sur certaines de ses newsletters.
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Le surf surmédiatisé sur les réseaux sociaux ?
Alors qu’à la base les réseaux sociaux permettent de créer du lien entre les utilisateurs, ils peuvent prendre une autre tournure pour certaines communautés et le surf n’y a pas échappé.
Lorsqu’une vague est surfée à la perfection, elle est, la plupart du temps, rapidement mise en ligne sur les réseaux sociaux. Lorsqu’un surfeur se retrouve devant des vagues parfaites, il peut avoir la tentation de partager sa vision sur les réseaux sociaux. Ces deux actions peuvent provoquer un effet boule de neige chez les « cyber » surfeurs et la plupart seront donc tentés de se retrouver sur le même spot de surf qu’ils ont vu sur l’écran de leur smartphone. En France, on pense au spot de surf de Lafitenia qui, une fois toutes les conditions réunies, est peuplé de centaines de personnes. Bien sûr, il peut y avoir des surfeurs qui savent concrètement comment le spot de surf fonctionne, mais malheureusement ils ne sont pas seuls, les nombreuses stories que l’on voit passer sur ce spot peuvent prouver le contraire.
Les athlètes du surf mondial peuvent aussi être confrontés aux mauvais côtés des réseaux sociaux. C’est le cas d’Ethan Ewing par exemple. Lors du Surf Ranch Pro 2023, étape du circuit professionnel mondial de la World Surf League, le surfeur australien a reçu de nombreuses menaces de morts après avoir battu le triple champion du monde brésilien, Gabriel Medina. Ce dernier a posté un long message sur Instagram proclamant le manque de clarté et des incohérences du jugement dans le milieu du surf. Une polémique qui aura eu son effet, puisque la WSL a décidé de supprimer l’étape du Surf Ranch Pro en 2024.
Bien sûr, il y a aussi des effets très positifs. À l’époque, les dernières actualités sur le monde du surf étaient présentes uniquement dans les magazines, aujourd’hui, elles sont accessibles en scrollant sur notre feed Instagram. Autre exemple, un surfeur inconnu de tous peut se retrouver en tête de tous les feeds Instagram et peut s’offrir le privilège de démarrer une carrière professionnelle. On pense notamment à l’Hawaïen Eli Hanneman qui, grâce à une vidéo que la marque Hurley a diffusé sur les réseaux sociaux, a réussi à se trouver de nombreux sponsors et à devenir à seulement 13 ans l’un des surfeurs les plus talentueux de sa génération !
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Les réseaux sociaux sont aussi un bon moyen de rassembler, notamment pour le ramassage de déchets sur les plages, comme le fait par exemple l’association Save la Mer Maid créée par la surfeuse professionnelle Maud Le Car.
Alors, si comme dans tous les secteurs, le digital a modifié l’écosystème médiatique autour du surf, il faut se réapproprier les codes et trouver un équilibre où pratiquants, fans et sponsors trouveront leur place !